On se sent chez soi sur le plateau de Maya Fuhr. Vous le reconnaîtrez inconsciemment. Le ton de sa voix, toujours aussi décontracté et cool, vous mettra à l’aise sur le champ; il est fort probable qu’elle s’enquière de votre journée. Et à mesure que s’étaye ce processus, ce que vous ne réalisez pas est que le studio est en fait un espace que renferme son esprit. Et vous, son sujet, l’y retrouverez.
Fille d’une mère designer et d’un père psychologue, c’est à l’intersection des deux disciplines que vit l’oeuvre de Maya — là où l’éprouvé et l’obscure de la nature humaine se rencontrent. Esthétiquement, son travail est chaleureux, lumineux et invitant à l’oeil, mais sous la surface, quelque chose vous ébranle. Toujours en contrôle, ses sujet vous partagent, plus qu’un moment; une pensée intime. Les concepts traditionnels de pouvoir, de beauté et de genre ne sont pas remis en question, ils sont complètement laissés à l’écart de l’univers que Maya a fait sien. Elle assure direction artistique et stylisme pour bon nombre de ses éditoriaux, renforçant par le fait même l’emprise créative sur cet éther — habité de personnages plutôt que de personnes — propre à elle seule.
Ayant grandi à Victoria, en Colombie-Britannique, Maya s’est sentie séparée du monde extérieur. Jeune fille sans échappatoire, elle a exploré le monde via internet et son imaginaire. C’est possiblement dans son approche irrévérencieuse de la mode — où précieuses conventions cèdent place à la satire et aux sous-cultures — qu’on le ressent le plus. Tout au long de sa carrière, ayant vécu et travaillé à New York, Los Angeles, Montréal et Toronto, Maya s’est doté d’un arsenal diversifié de goûts et d’influences culturelles. Faire partie d’une communauté d’artistes étroitement unie avec qui elle partage sa sensibilité a également façonné son approche. Il y a une fluidité avec laquelle elle fusionne d’autres langages visuels au sien, tant par des collaborations dynamiques hors norme que des diptyques, dont les éléments, combinant ici l’art, là la photo, se complètent tout en communiquant l’un et l’autre. Mode ou portrait, objet ou sujet, les images de Maya Fuhr sont un appel de l’au-delà; et un rappel que ce monde est à portée de clic.